Le programme de pharmacovigilance1 au Canada
par Colleen Fuller et Diane Saibil
février 2005
Introduction
La réglementation des médicaments d’ordonnance est une dimension essentielle de la protection de la santé et de la sécurité des citoyennes et des citoyens. C’est au gouvernement canadien qu’incombe cette tâche, depuis l’étape des essais cliniques jusqu’à celles de l’approbation, de la commercialisation et de la vente des produits. Malgré tout, même la procédure d’approbation la plus rigoureuse qui soit ne peut permettre de prédire tous les effets nocifs ou imprévus qu’un médicament est susceptible de provoquer après son lancement sur le marché. Voilà pourquoi tous les pays, y compris le Canada, doivent avoir un programme de pharmacovigilance.
Dans son état actuel, le programme de pharmacovigilance ne permet pas de détecter convenablement et en temps opportun les effets nocifs ou imprévus des médicaments, en partie parce qu’il n’est pas adéquatement subventionné. Les retards en matière de détection se traduisent par l’adoption tardive des mesures de suivi pertinentes : avertir les professionnels de la santé et les consommateurs, modifier les étiquettes en conséquence, restreindre l’usage d’un produit ou, tout simplement, le retirer du marché.
Trop souvent, on sous-estime ou minimise les effets nocifs des médicaments. D’ailleurs, les termes « effet indésirable » ou « effet secondaire », d’usage très répandu, évoquent un événement isolé, par exemple une éruption cutanée causée par une allergie, plutôt qu’une tumeur comme le lymphome, que peut amener la consommation prolongée d’un médicament. Ce choix de mots contribue à accentuer le caractère fortuit ou accessoire de ces manifestations, plutôt que de mettre en évidence leur lien intrinsèque avec le médicament en cause. Il serait peut-être plus juste, en fait, de parler « d’effets nocifs causés par les médicaments ».
Dans ce document, nous soutenons qu’une participation accrue des consommateurs et des consommatrices contribuerait de manière substantielle à améliorer le programme de pharmacovigilance en place.
Le rôle primordial d’un programme efficace de pharmacovigilance
Au Canada, tout nouveau médicament doit être approuvé par Santé Canada avant de pouvoir être commercialisé. Pour obtenir cette approbation, le fabricant doit déposer un dossier regroupant toutes les données connues concernant le produit, notamment les rapports individuels faisant état d’effets nocifs imprévus et les résultats des essais cliniques. Ce mécanisme vise à confirmer que le médicament proposé produira, dans des circonstances précises, les effets escomptés en rapport avec la maladie qu’il est censétraiter ou prévenir. Par ailleurs, Santé Canada recueille et recense toutes les données rapportées concernant les effets nocifs du médicament à l’étude. L’examinateur responsable du dossier doit ensuite déterminer si les bienfaits anticipés l’emportent sur les risques de réaction indésirable. Pourtant, au moment d’étudier une demande d’approbation pour la mise en marché d’un produit au Canada, Santé Canada n’a accès qu’à des données limitées. En effet, le principal objet des essais cliniques est de vérifier l’efficacité d’un produit2. Bien que ces projets servent aussi à recueillir des données sur son innocuité, le nombre de sujets auxquels ils font appel est trop petit pour permettre de cerner certains problèmes peu courants. Qui plus est, déterminer si un effet nocif est attribuable à un médicament précis est une question d’appréciation soumise à la partialité de l’examinateur.
Les conditions d’exposition à un nouveau médicament après son arrivée sur le marché diffèrent grandement de celles que reproduisent les essais cliniques, tant par le nombre de personnes soumises au traitement que par les doses et la durée prescrites. Une fois cette étape franchie, la population exposée au produit se diversifie : elle peut compter des personnes souffrant de maladies multiples, qui prennent déjà d’autres médicaments de différents types, des enfants, des personnes âgées, des femmes, notamment des femmes en âge de procréer. Souvent, ces groupes ne sont pas adéquatement représentés dans les essais cliniques ou ne le sont pas du tout. On peut donc s’attendre, suite à la commercialisation d’un produit, à observer des bienfaits et des effets nocifs différents de ceux qui avaient été révélés au stade expérimental. Par ailleurs, la durée des essais cliniques varie; en règle générale, elle est inférieure à 90 jours. Or certains traitements médicamenteux sont administrés pendant des périodes beaucoup plus longues, parfois même pendant toute une vie, dans le cas des maladies chroniques par exemple. Par conséquent, les essais cliniques seuls ne permettent pas de déterminer toute la gamme des effets nocifs pouvant être imputés à un médicament donné. En substance, on peut dire qu’au moment d’être lancés sur le marché, les nouveaux médicaments n’ont pas encore dépassé le stade « expérimental »3. La promotion des nouveaux médicaments auprès des professionnels de la santé et des consommateurs est, dans une large mesure, à l’origine de leur consommation à grande échelle par des populations non ciblées par les essais.
Il y a un autre facteur dont il faut tenir compte dans l’évaluation des effets nocifs : il s’agit de l’utilisation des médicaments pour traiter des maladies pour lesquelles ils n’ont pas été approuvés, pratique connue sous le nom « d’usages non prévus » (off-label use). Lorsque Santé Canada évalue l’efficacité d’un médicament, il le fait en fonction d’une population et d’un usage précis. L’autorisation qu’il accorde limite les indications du médicament à des affections précises et, dans certains cas, à une seule population. Au Canada, toutefois, la loi n’interdit pas aux médecins de prescrire un médicament à des fins autres que les usages ayant été approuvés. En prescrivant des usages non conformes, cependant, les médecins font fi des recommandations de Santé Canada relativement à l’efficacité et à l’innocuité du produit, une décision pourtant fondée sur le rejet des preuves scientifiques fournies par le fabricant ou sur leur absence pure et simple. Il s’agit d’une pratique fort courante en pédiatrie, mais qui touche aussi, dans une large mesure, la prescription des hormones destinées aux femmes.
On dénombre beaucoup trop de cas de médicaments déjà approuvés ayant provoqué des réactions graves, une maladie prolongée ou même la mort. Rappelons entre autres les cas récents de l’hormonothérapie et du Vioxx. L’hormonothérapie substitutive est un traitement qui a été administré pendant plusieurs décennies à des millions de femmes dans le monde, avant que les scientifiques et les professionnels de la santé, sous la pression des groupes de femmes et de consommateurs, n’acceptent finalement d’entreprendre des recherches sur ses effets. Les études subséquentes ont démontré que les effets nocifs l’emportaient sur les bienfaits dans la plupart des cas, car le traitement entraînait un risque accru de maladie du cœur, d’accident vasculaire cérébral, de cancer du sein invasif et de formation de caillots sanguins. Dans le cas du Vioxx, ce n’est ni la durée des essais cliniques, ni la taille des groupes y participant qui est en cause, mais plutôt l’interprétation des résultats par le fabricant, qui a eu pour effet de minimiser les risques associés au médicament. À l’automne 2004, le fabricant de ce médicament analgésique et anti-inflammatoire a dû reconnaître que les essais cliniques avaient révélé que le Vioxx était associé à un risque accru de maladie cardiovasculaire et a retiré son produit du marché mondial.
Ces deux exemples, et les nombreux autres que nous pourrions citer, démontrent non seulement que le mécanisme d’approbation des médicaments ne détecte pas une large part des effets nocifs et imprévus que seul l’usage prolongé d’un nouveau produit par une population diversifiée révélera, mais aussi qu’il est incapable de les détecter.
Les lacunes du programme de pharmacovigilance actuel
Nombreux sont ceux qui estiment qu’après avoir approuvé un médicament les responsables de la réglementation n’investissent pas assez de ressources pour recueillir et analyser les rapports faisant état de ses effets nocifs4. Le Directorat des produits de santé commercialisés ne dispose plus des ressources nécessaires pour vérifier d’office si un effet indésirable qui lui a été signalé pourrait être imputable à un médicament précis5. Le programme de pharmacovigilance repose exclusivement sur la déclaration volontaire des effets nocifs par les consommateurs et les professionnels de la santé, mais on pourrait bientôt obliger ces derniers à les signaler. Toute personne peut rapporter un effet nocif au fabricant ou directement à Santé Canada par l’entremise du Programme canadien de surveillance des effets indésirables des médicaments (PCSEIM). Le PCSEIM gère une banque de données appelée Canadian Adverse Drug Reaction Information System (CADRIS), qui rassemble les rapports d’incident. La loi oblige les fabricants à déposer les rapports faisant état d’une réaction grave dans les 15 jours suivant leur réception. Dans sa directive à leur intention, Santé Canada indique que ce type d’incident « peut faire l’objet d’une notification » si « le cas répond aux critères minimaux de notification et que le rapport est considéré comme pertinent par un professionnel de la santé rattaché à l’industrie ». Pour satisfaire ces critères, le rapport doit préciser les éléments suivants : l’existence d’un patient, un produit suspect, un effet suspect et un déclarant identifiable6 .
La majorité des spécialistes estiment que, dans l’ensemble, seulement 1 % à 5 % de tous les effets nocifs sont déclarés à Santé Canada. Vu ce faible taux de notification, les données contenues dans la banque du PCSEIM ne permettent pas de fournir une idée juste des effets nocifs associés à un médicament donné. Le PCSEIM ne dispose donc pas de données suffisantes pour exercer efficacement son rôle de surveillance, ce qui retarde l’adoption de mesures appropriées. Néanmoins, le Canada participe à un système international de notification des effets indésirables géré par l’OMS, ce qui permet, dans une certaine mesure, d’élargir la base de données dont dispose le PCSEIM.
Dans ce contexte où ni les médecins, ni les fabricants, ni Santé Canada ne jouent convenablement leur rôle, la tâche de surveiller les effets nocifs des médicaments et de les signaler directement au Ministère revient aux personnes sous traitement. Toutefois, les moyens mis en œuvre pour informer les consommateurs et les consommatrices de leur droit à cet égard et de la marche à suivre pour le faire sont insuffisants.
Quels sont les éléments susceptibles d’améliorer l’efficacité du système?
Le système de notification s’est avéré efficace dans certains cas, puisqu’il y a eu accroissement du pourcentage des effets nocifs déclarés. Pour le meilleur ou pour le pire, il semble que l’attention prêtée par les médias et les instances de réglementation à certains médicaments peut avoir un effet tangible sur le nombre de rapports d’incident les concernant. Un bel exemple de ceci est le cas du Diane-35, un médicament approuvé au Canada pour traiter exclusivement les femmes souffrant d’acné grave réfractaire aux autres traitements et accompagné de signes d’androgénisation. Comme l’explique Barbara Mintzes dans une étude de cas récente,
Entre avril 1998 et décembre 2002, soit sur une période de presque cinq ans, on ne compte que 25 déclarations de réaction indésirable où l’on soupçonnait que le Diane-35 était en cause, dont un décès. Environ trois quarts de ces déclarations étaient des réactions graves au sens où l’entend l’Organisation mondiale de la santé : elles ont mis la vie de la victime en danger, provoqué son hospitalisation ou un séjour prolongé à l’hôpital ou causé une incapacité persistante, un cancer ou une anomalie congénitale.
Le 23 décembre 2002, Santé Canada diffusait son premier avertissement concernant le Diane-35. Le 14 janvier 2003, la CBC télédiffusait son reportage. Le 10 avril 2003, Berlex envoyait aux médecins une lettre de mise en garde. Tous mettaient l’accent sur le risque accru de thromboembolie veineuse (TEV) associé au Diane-35. Durant les dix mois qui ont suivi le premier avis, soit de janvier à octobre 2003, les déclarations de réaction indésirable se sont multipliées par plus de dix, passant de 0,4 à 4,6 par mois en moyenne. Les 46 cas supplémentaires signalés au cours de cette période étaient presque tous graves au sens où l’entend l’OMS : on a dénombré 33 incidents de TEV et cinq décès. Il est peu probable que cet accroissement spectaculaire des décès et des incidents graves soit attribuable à l’attention médiatique et administrative dirigée vers le Diane-35. Il s’expliquerait plutôt par le fait que les médecins et leurs patientes avaient pris conscience des risques éventuels et étaient davantage portés à soupçonner que le Diane-35 pouvait être en cause et à signaler ces incidents7.
Soulignons que c’est une campagne d’Action pour la protection de la santé des femmes qui a éveillé l’intérêt de la CBC à l’égard du médicament. Le but de cette campagne : dénoncer la publicité directe du Diane-35 et les problèmes associés à ce produit.
La sensibilisation aux risques éventuels associés à un médicament ou à une classe de produits est un moyen efficace d’inciter les particuliers à déclarer les effets nocifs qu’ils constatent. Les associations de consommateurs sont spécialisées dans la diffusion et l’échange d’information; elles sont particulièrement bien placées pour mener à bien ces activités. Voici deux exemples éloquents à cet égard.
Le DES
Le diéthylstilbestrol (DES) est un œstrogène synthétique
qui fut prescrit de 1941 à 1971 aux femmes enceintes dans le but de prévenir
une fausse couche. Si l’on extrapole les données recueillies sur
l’incidence d’une forme rare de cancer du vagin chez les jeunes femmes,
imputable uniquement au DES8, on peut conclure
que ce produit a été prescrit à quelque 400 000 femmes
au Canada, notamment à celles qui présentaient des antécédents
de fausse couche, de saignements légers ou de diabète. Dès
1952, des recherches avaient démontré que le DES ne prévenait
pas les fausses couches et qu’il semblait même en accroître
le risque9. En dépit des preuves qui
s’accumulaient sur son inefficacité et les dangers réels
qu’il posait, le DES n’a été interdit qu’en 1971,
trente ans après son lancement. Au début des années 1970,
on a établi un lien entre le DES et l’apparition de cancer du vagin
ou de cancer des testicules chez les enfants des femmes qui avaient
consommé ce médicament; de plus, ces dernières présentaient
un risque accru de cancer du sein.
En 1982, Harriet Simand a entrepris une étude sur les femmes qui, comme elle, avaient été exposées au DES, soit directement, soit dans l’utérus. La section new-yorkaise d’un groupe américain appelé DES Action la mit en contact avec les réalisateurs de l’émission Take 30 de la CBC; elle y participa en mars 1982 et invita les femmes qui avaient pris du DES et leurs filles à communiquer avec elle. En quelques semaines, elle reçut plus d’une centaine de lettres.
L’ampleur de la réaction incita Harriet Simand, et sa mère Shirley, à intensifier leurs efforts en vue de sensibiliser la population d’autres régions du Canada aux effets du DES; de nouveaux groupes DES Action furent ainsi créés dans plusieurs villes. Ceux-ci ont identifié des médecins disposés à dépister chez leurs patientes certaines affections susceptibles d’être liées au DES. Grâce aux médias, les membres de DES Action ont fait connaître le DES et éveillé l’attention des femmes et des hommes aux problèmes qui y sont associés10.
Le Depo-Provera
Le Depo-Provera est une hormone contraceptive injectable à action prolongée.
Au Canada, son usage avait été approuvé dans les années
1980 en tant que traitement contre l’endométriose et certains cancers.
En 1988, Upjohn Canada déposait une première demande d’approbation
du Depo-Provera en tant que contraceptif, projet qui a suscité une farouche
opposition de la part des groupes de promotion de la santé des femmes
et mené à la création de la Canadian Coalition on Depo-Provera.
Suite aux mémoires présentés par de nombreuses associations
de défense des droits des personnes handicapées, des groupes de
promotion de la santé des femmes et des porte-parole des communautés
autochtones dénonçant les effets nocifs attribuables à ce
type de contraception, Santé Canada a rejeté la demande du fabricant.
Celui-ci est revenu à la charge au début des années 1990
et, en 1997, le Ministère autorisait la vente du Depo-Provera à des
fins contraceptives.
Au fur et à mesure que s’accumulaient les preuves attestant des effets nocifs de courte et de longue durée causés par le Depo-Provera, des groupes de consommateurs ont continué de s’opposer à son usage. Des études menées en Nouvelle-Zélande et ailleurs ont démontré un risque accru de cancer du sein chez les utilisatrices, de même qu’une réduction de la densité osseuse menant à l’ostéoporose. On a continué néanmoins à le prescrire, le produit s’avérant un mode de contraception populaire, notamment chez les jeunes femmes. Ce n’est qu’en novembre 2004 que le géant pharmaceutique Pfizer a finalement admis ce que les recherches avaient démontré des années auparavant et que les groupes de promotion de la santé des femmes avaient souligné maintes et maintes fois : le Depo-Provera peut causer une perte appréciable de la densité osseuse; cette perte s’accroît avec l’usage et n’est pas forcément entièrement réversible. Il y a plus de dix ans, la Canadian Coalition on Depo-Provera avait attiré l’attention sur ces dangers dans une lettre au ministre canadien de la Santé nationale et du Bien-être social de l’époque.
Même si les instances de réglementation font la sourde oreille à leurs mises en garde, les groupes de promotion de la santé des femmes continuent à soulever des questions, à étudier les résultats de recherche et à renseigner les femmes aux prises avec des problèmes de santé liés au Depo-Provera. Les réseaux mis sur pied constituent des sources d’information fiables; ils offrent aux consommatrices des réponses à leurs questions et servent de point de ralliement. Ils sont parvenus, dans une certaine mesure, à alerter la population féminine aux risques inhérents à l’usage du Depo-Provera comme contraceptif, ce qui aura peut-être permis de réduire le nombre de femmes qui y sont exposées, et ce, en dépit de l’inaction totale du gouvernement canadien dans ce dossier.
Arguments en faveur d'une participation accrue des consommatrices
Ce
sont les femmes qui sont les principales utilisatrices des médicaments;
elles ont donc tout intérêt à créer des réseaux
de pharmacovigilance et d’information sur les effets nocifs des traitements
nouveaux et anciens. Les exemples présentés ci-dessus témoignent
de l’utilité des associations de consommateurs lorsque l’usage à grande échelle
d’un médicament approuvé cause de graves préjudices.
Dans chacun de ces cas, la collecte des données attestant des effets nocifs
a été propulsée par les efforts collectifs déployés
par des consommateurs, des femmes pour la plupart, afin d’informer et d’éduquer
les gens autour d’eux, de permettre aux personnes touchées d’établir
un lien de cause à effet et de les encourager à parler de ce qu’elles
vivent. Nul doute, les associations de consommateurs de produits de santé,
pour autant qu’elles disposent des ressources nécessaires, sont
susceptibles de contribuer à améliorer le système de notification
en aidant les particuliers à déceler les effets nocifs causés
par les médicaments et à les déclarer. Elles sont également
en mesure d’éveiller l’attention des responsables de la réglementation
plus rapidement et plus efficacement que ne peuvent le faire des particuliers.
Enfin, l’intérêt éminemment personnel que leurs membres
portent à l’issue des causes qu’elles défendent pourraient
en faire des acteurs beaucoup plus efficaces dans cette tâche que les sociétés
pharmaceutiques et les professionnels de la santé.
Conclusion
Dans l’exercice de ses activités, Santé Canada est soumis à des contraintes d’ordre politique et économique. Les orientations politiques énoncées par le gouvernement dans le dernier discours du Trône engagent le Ministère à accélérer le processus d’approbation des nouveaux médicaments, mais aucun engagement équivalent n’a été pris en faveur de la surveillance post-commercialisation jusqu’à présent. Par ailleurs, les décisions touchant l’allocation des ressources affaiblissent le pouvoir d’action de Santé Canada dans la mise en œuvre des règlements et des mécanismes qui faciliteraient la surveillance des médicaments. À ce problème s’ajoutent les pressions constantes exercées par l’industrie pharmaceutique pour faire accélérer l’approbation des nouveaux produits. Dans ce contexte, les groupes de femmes et de consommateurs ont un rôle essentiel à jouer : ils peuvent renseigner la population, centraliser les données relatives aux effets nocifs, aider les particuliers à établir un lien de cause à effet et les inciter à déclarer les effets nocifs qu’ils observent. Grâce à eux, les réactions indésirables seront comptabilisées et déclarées en plus grand nombre, ce qui aura pour effet de tempérer la tendance des instances de réglementation à minimiser l’importance des déclarations individuelles.
Pour que le programme de pharmacovigilance soit efficace, il faudra, dans un premier temps, qu’il y ait une forte augmentation du nombre de déclarations faites par les consommateurs et les consommatrices à Santé Canada. On peut atteindre ce but par une campagne d’information les encourageant à le faire. Et les groupes de protection des consommateurs et de promotion de la santé des femmes ont l’expertise nécessaire pour mener une telle campagne. Voilà pourquoi il faut soutenir leurs efforts.
© Action pour la protection de la santé des femmes 2005
Notes
1 L’expression « surveillance post-commercialisation » est aussi couramment utilisée (et il serait plus exact de parler de « post-approbation »). Dans la présente traduction de ce document, nous avons retenu le terme« pharmacovigilance ».
2 Il faut distinguer entre l’efficacité établie dans des conditions idéales, par exemple dans le cadre d’un essai clinique où l’on contrôle les variables et sélectionne les sujets, et l’efficacité vérifiée en situation réelle, où peuvent intervenir une variété de facteurs difficiles à circonscrire : consommation simultanée de plusieurs médicaments, présence d’autres maladies, non-observance des indications (dose, oublis), etc.
3 Santé Canada reconnaît effectivement le statut « expérimental » des médicaments nouvellement approuvés puisqu’il considère une « incapacité inhabituelle de produire l’effet prévu » comme un effet indésirable et exige que les fabricants déclarent tous ces cas sans exception, tant et aussi longtemps que le produit est « nouveau », c’est-à-dire pendant une période minimum de sept ans après son arrivée sur le marché.
4 En 2003, le gouvernement canadien a promis de consacrer à l’amélioration du système de réglementation des médicaments une enveloppe de 190 millions de dollars répartis sur cinq ans. Sur les 40 millions affectés la première année, seulement 2,5 millions ont été alloués au Directorat des Produits de santé commercialisés. [Joel Lexchin, Journal de l’Association médicale canadienne, 3 août 2004, vol. 171, n o 3.]
5 Lignes directrices concernant la notification des effets indésirables des médicaments commercialisés . Lignes directrices à l’intention de l’industrie pharmaceutique canadienne concernant la notification des effets indésirables des médicaments commercialisés (à l’exclusion des vaccins). Créé en 1996, révisé en juillet 2001. Division d’information de la sécurité des produits de santé, Bureau de l’évaluation des produits homologués, Direction des produits thérapeutiques, Santé Canada. http://www.hc-sc.gc.ca/hpfb-dgpsa/tpd-dpt/industry_guidelines_f.html
6 C. Fuller, Les femmes et la notification des effets indésirables des médicaments au Canada. Toronto, Action pour la protection de la santé des femmes, octobre 2002 (affiché dans le site de l’APSF : www.whp-apsf.ca).
7 B. Mintzes, Échec de la réglementation des médicaments au Canada. Le cas du Diane-35 . Toronto, Action pour la protection de la santé des femmes, octobre 2004 (affiché dans le site de l’APSF : www.whp-apsf.ca).
8 Des carcinomes à cellules claires ont été décelés chez certains cas non associés au DES, mais seulement chez des femmes post-ménopausées.
9 W.J. Dieckmann, M.E. Davis, L.M. Rynkiewicz et R.E. Pottinger. « Does the administration of diethylstilbestrol during pregnancy have therapeutic value? », American Journal of Obstetrics and Gynecology, vol. 66, n o5 (1953), p.1062-81.
DES Action Canada fournit de l’information sur le diéthylstilbestrol dans son site Web, une excellente démonstration de l’utilité d’Internet pour les activités militantes. http://www.web.ca/~desact/francais/francais.html.
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